Corps-cherche-amour
Je suis bien mal faite parce que je n’ai jamais été, je ne suis pas et je ne serai jamais heureuse avec mon enveloppe corporelle.
Au mieux, je vais l’apprivoiser et apprendre à vivre avec. Ou bien, je vais me consoler en me disant que «j’étais pas si pire», finalement.
Je vais toujours aspirer à la perfection de mon physique. Et pourtant…
Je regarde des photos de moi, en solo aux Championnats Canadiens à 14 ans. Des jambes musclées, rien qui sort de mon maillot ultra-échancré, des belles épaules découpées. Puis je me souviens de la quantité de régimes stupides que je m’infligeais parce que j’avais une shape d’athlète. Pas le standard du sport que je pratiquais. Je regardais mes compétitrices (bon nombres souffraient de réels troubles alimentaires) et je me disais que si je faisais comme elles, peut-être que moi aussi, j’aurais la shape de rêve. Ce qui n’est jamais arrivé puisque je n’ai pas eu cette «maladie».
Je regarde des photos de moi lors de ma première grossesse.
Une grossesse parfaite, une belle grosse bedaine, sans vergetures, de beaux cheveux, un teint radieux, le papa qui ne cessait de me dire qu’il me trouvait belle et qu’il me trouvait aussi attirante qu’avant et surtout, un petit bébé en pleine santé que j’étais en train de construire.
Pourtant, je me souviens de l’angoisse d’embarquer sur le pèse-personne à chaque rendez-vous pré-nataux. Je me souviens avoir regardé une photo de moi avant ma grossesse et avoir dit, ouvertement : «Je ne me plaindrai pu jamais que je me trouve grosse». D’avoir regardé les mannequins de femmes enceintes et être jalouse de leur shape, d’en vouloir à ma mère et à mon père de m’avoir shippé cette génétique-là.
Je regarde des photos de moi à mon mariage. J’avais réussi, au prix de nombreux entraînements plus ou moins agréables, à descendre 5 lbs en dessous du poids que j’ai depuis toujours et j’étais vraiment fière. Je regarde des photos de notre voyage de noces, où je suis en bikini, le ventre plat, les cheveux longs, bronzée et le sourire aux lèvres. Pourtant, en revenant de voyage, j’avais repris mon poids habituel.
2e grossesse : un peu différente, cette fois-ci.
Encore une belle grossesse, rien à envier de ce côté-là. Nous avions commencé à faire des changements dans notre alimentation. J’ai pris du poids correct. J’étais moins inquiète puisque j’avais réussi, assez rapidement, à perdre mon poids de grossesse la première fois. Si j’étais capable 1X, j’étais capable 2X.
Mais je me souviens, quelques semaines après mon accouchement, avoir voulu mettre une belle blouse, ne pas avoir pu l’attacher et m’être mise à pleurer…
Je me souviens de toutes ces fois où je suis sortie du magasin les mains vides parce que rien ne faisait.
Souvent parce que je n'étais pas peignée et/ou maquillée, que l’éclairage n'était pas avantageux, que j’avais tellement de statique que j’aurais pu booster un char.
Surtout parce que ça ne faisait pas comme sur le mannequin ou que ça ne me rendait pas le corps que JEvoulais.
Je pense aux fois où, lorsque je vais m’entraîner, je regarde les beaux ti-kits des autres.
Pourquoi leur ti-kit est toujours plus beau que le mien? C’est à se demander si c’est le ti-kit ou la personne qui porte le ti-kit que j’envie le plus….
Moi, qui remonterais mon pantalon jusqu’en dessous de mes bras si je le pouvais, pour cacher mon p'tit mou de ventre, je regarde les femmes qui ont, aussi, du p'tit mou de ventre, mais qui semblent tellement l’assumer…
Une de mes 2 filles est ma copie carbone. C’est ma fille, je la trouve parfaite. J’entends parfois des gens dire : «Elle n'a pas amincit, comme sa sœur… Elle va sûrement devoir faire attention toute sa vie».
J’ai le cœur brisé parce qu’on a sûrement dit cela de moi un jour.
D’un autre côté… je veux dire… je crois ne pas être si pire que ça…
J’aimerais être capable d’avoir pour moi le même regard que j’ai pour mes enfants.
Même après avoir fait beaucoup de changements dans mon alimentation, mon poids reste le même. Je vous avoue que je suis souvent découragée. Mon mari aussi; une journée, je m’accepte et le lendemain, je me charcuterais sans merci!
Oui, bon, j’ai les hormones détraquées et je suis une perfectionniste acharnée. Je travaille quotidiennement à faire de moi une meilleure personne. Pour ma famille, mes enfants, mon mari et moi-même. L’aspect physique de ma personne est une notion en constante évolution.
Je fais ce qu’il faut; je m’efforce de bien manger, de faire du sport, de me faire du bien, de le transmettre à mes enfants.
Mais c’est la bataille de ma vie.
Et je vais continuer à regarder mes photos avec ironie en me disant : «Franchement, j’étais pas à plaindre…»